Les Heures perdues de Pierre Barthès, répétiteur en Toulouse,

ou les choses dignes d'être transmises à la postérité arrivées en cette ville ou près d'icy

Septembre [1758]

Arrivée des Pénitens blancs

Le vendredy 8e de ce mois, messieurs les pénitens blancs revenant d'accomplir leur vœu à Garaison, après 9 jours d'absence, arrivèrent en cette ville sans aucun mort ny malade sur les 4 heures et demy du soir. Ils furent receus à la porte de la ville par le reste de leur compagnie qui avoit resté en ville et par messieurs les pénitens noirs leurs affiliés dont les compagnies étoient nombreuses, ayant chacune leur faux-bourdon très bien exécuté. Ils furent tous faire station à l'église de St. Nicolas où, après la bénédiction de 40 heures désignée pour le temps par l'ordinaire, Mr. Lassave, prêtre prébendé de St. Etienne prieur du voyageur, assisté de leur chapelein Mr. Cailhava, donna la bénédiction. De là étant partis sous les guidons et les croix des troix compagnies, ils s'en furent faire l'adoration de la Croix au milieu du pont au bruit de la mousqueterie du guet selon la coutume. D'où, venus à l'église de la Daurade, ils y firent station, ensuite s'étant rendus à la chapelle de Mrs. les pénitens noirs on y chanta le Te Deum en action de grâces puis on se retira à la chapelle des blancs ayant édifié tout le monde par leur modestie, leur receuillement et leur humilité.

Pendaison

Le lundy 18e de ce mois, à 3 heures de l'après-midy, on pendit dans l'enclos du palais un de ces prisonniers qui avoit causé dans les prisons de la conciergerie le soulèvement dont j'ay parlé cy devant. Il sortit de ces mêmes prisons, exhorté par deux pères de St. Antoine, accompagné sur le chariot vis-à-vis de luy d'un autre prisonnier complice, vêtu mais attaché, pour assister à la mort de l'autre, condamné en outre aux galères. Il étoit placé sur le chariot à cause d'une jambe coupée dans cette rébellion. Il y avoit encore un autre assistant qui suivoit, attaché derrière le char, qu'on remit en prison pour attendre la chaîne. La Cour du sénéchal avec la mareschaussée et messrs les Capitouls assistèrent à cette exécution qui fut faite, comme j'ay dit, dans l'enclos vis-à-vis des prisons, aux fenêtres desquelles derrière les grilles on avoit placé les autres prisonniers pour leur donner l'exemple.

Mort de la reine d'Espagne

Par le Courrier du 17e de ce mois, nous avons appris la mort de la reine régnante en Espagne, qui mourat à Madrit le 27e du mois dernier dans la 47e année de son âge. Cette princesse, qui se nommoit Marie-Magdeleine-Josephe-Thérèse-Barbe estoit sœur ainée de Dom Joseph de Bragance roy de Portugal.
C'est la loy universelle. Tendimus huc omnes.

Cérémonie à l'hôpital de la Grave

Le 20e de ce mois, on posa avec grande cérémonie la première pierre à la magnifique église qu'on se propose d'élever à l'hôpital général St. Joseph de la Grave. Elle fut mise par monsr. de Maniban, premier président du Parlement de cette ville, messrs les Capitouls y étant, assistés de la procession de messieurs les prêtres de l'hôpital et des pauvres de lad[ite] maison chantans des hymnes à la louange de Dieu, sous l'invocation de St. Joseph, à l'honneur duquel on bâtit ce nouveau temple qui sera, selon le plan qu'on en a donné, le plus beau qui soit dans cette ville, ce que nos descendans pourront voir, ne pouvant pas nous flater de le voir fini. Inscription de la pierre :
Lapidim primarium ecllesia istius Deo optimo maximo sub invocatione sancti Joseph sponsi beato Maria Virgninis dicato de more ecclesiastis solemnister benedictum posuit processus ac propotems D. D. Gaspardus-Joseph-Marchio de Maniban Regi a consiliis senatus tolosani princeps nec non administrator hujus xenodochii tum pictate tum dignitate profectus, anno Dne 1758 die vero 20 septembris.

Hermite pendu

Le mercredy 27e de ce mois, à 4 heures de l'après-midy, on pendit à St. George un homme qu'on prit vêtu en hermite, accusé de voler et dépouiller les images des Vierges et saints qui sont dans les oratoires sur les chemins. Il étoit du côté des Cevennes. On le pendit avec la barbe [ou Labarbe?] fort résigné à mourir, exhorté par un tiercère et son cadavre fut après exposé aux fourches patibulaires.

Homme rompu

Le lendemain 28e, à 5 heures de l'après-midy, à la même place, on rompit, après l'avoir étranglé, un homme du même pays, accusé de voler les passans sur les chemins. Il fut le soir même exposé aux fourches.

Rey pendu

Le samedy dernier de ce mois, à 4 heures et demy, dans l'enclos du palais au devant des prisons de la conciergerie, fut pendu un jeune homme nommé Rey, natif de Toulouse, fils, à ce qu'on a dit, d'un nommé Rey ancien boucher à Toulouse. C'étoit un des principaux chefs de la rébellion des prisons, avec un nommé Jacarelle, qui s'évadèrent, comme j'ay dit, eux dixièmes [?]. On fit mettre les prisonniers aux fenêtres pour être spectateurs du supplice, profiter de l'exemple, et se contenir en patience pour ne pas subir le sort de ce misérable qui, abusant de la liberté qu'il s'étoit procurée par son évasion, fut repris du côté de Montauban, faisant toujours le métier de volleur. Il fut exposé aux fourches.

Volume 4, pp. 139-142.

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