ou les choses dignes d'être transmises à la postérité arrivées en cette ville ou près d'icy
Invention hardie avec réussite à la Daurade
Dans ce mois cy, troix italiens originaires de Milan, massons de leur métier, venant du côté du Bas Languedoc où ils ont travaillé et gagné beaucoup d'argent, entreprirent de blanchir la voûte et l'entière église de la Daurade, sans cage ny échaffaut, rétablir toutes les lézardes et générallement tous les déffauts qui s'y trouveroient. A l'aide d'une échelle assés longue, ou plusieurs attachés ensemble dont la partie supérieure étoit ceinte d'une corde et attachée à une poulie ou palan suspendue au milieu de la voûte, le pied de l'échelle appuyé sur le pavé sans être appuyée à aucune muraille, tournant de tous côtés, baissant et dressant à proportion des parties de l'église, proximes ou éloignées de l'ouvrier, ou a veu avec étonnement un homme monter avec autant d'agilité que d'adresse jusques à la hauteur de 14 et 15 canes sur une échelle de 80 échelons sans s'attacher ny retenir à crampon ny corde, enjamber le dernier échelon, le pied gauche appuyé sur le pénultième muni d'un écouvillon au bout d'une barre et d'un pinceau de masson coulé à une perche, nétoyer la voûte et puis la blanchir d'une propreté admirable, trempant dans le bezoin son pinceau dans un grand sceau de bois suspendu à côté de l'échelle avec une poulie et une corde avec laquelle il le descendoit étant vuide et le moitoit de même après que ses adjoints l'avoient rempli. Cet ouvrage qui a été fini dans dix jours, d'une blancheur qui éblouit, a surpris tout le monde qui accouroit en foule à cette église, de même qu'à celle de St. Nicolas du fauxbourg qu'ils ont blanchi de même et a fait dire à tous qu'il n'est rien d'impossible à l'homme et que les Italiens sont fort inventifs et très hardis dans l'exécution des ouvrages qu'ils entreprennent.
Audax japheli genus omnia perpe. Horace.
Le blanc étoit composé de chaux de céruse, du laict et de la colle.
La poissonnerie au viguier
Les halles au poisson, menaçant d'une destruction prochaine, par la cheute de cette partie qui s'abatit le Carême passé comme j'ai rapporté en son temps, messrs les capitouls, ayant jugé à propos de rétablir la poissonnerie et rendre ce lieu plus solide et plus beau sur le plan qu'en a donné le Sr. Hardy ingénieur de la ville, ont transporté par intérim le marché au poisson dans la salle d'audiance de la Cour du viguier qui depuis la suppression de cette jurisdiction étoit devenue inutille.
Pour cet effet, les sièges, le barrau, l'autel et tout ce qui servoit à l'ornement du temple de Themis ayant été deffait et les bancs destinés à l'étalage de la nouvelle marchandise dressés et mis en place, ce lieu sacré qui n'avoit autrefois retenti que des sons respectables des juges préposés à rendre la justice à ceux qui réclamoient à leur authorité, ne retentit, à l'heure que j'écris, que des affreuses clameurs des enfans de Neptune, des riches expressions de toutes les harangères, de la confusion horrible des allans et venans, et n'offre à l'odorat, au lieu du doux encens qu'on offroit à la divinité Astrée, que l'horrible puanteur d'une pourriture insuportable. Qui l'aurait cru ?
Ô tempora, ô mores.
Le premier marché qui a été tenu dans cette nouvelle boutique a été le vendredy 26e de ce mois.
Pénitens blancs à Garaison
Le jeudy 31e de ce mois après les 7 ans révolus, messrs les pénitens blancs, selon le pieux uzage où se trouve leur vénérable compagnie d'accomplir le veu fait depuis longues années à Notre Dame de Garaison, partirent de leur chapelle à 5 heures et demy du matin après y avoir entendu la sainte messe au nombre de 48 ayant pour prieur du voyage Mr. Lassave prêtre et bénéficier de l'église St. Estienne. Après avoir adoré le très Saint Sacrement de l'autel et receu la bénédiction dans l'église des dames religieuses de Laporte dans le fauxbourg, ces pieux et zélés voyageurs se mirent en chemin après les adieux faits à leurs chères familles, à leurs parens et amis, suivis de quelques pénitentes de leur compagnie et de quantité de traîneurs dont partie les ont suivis jusqu'à la sainte chapelle et les autres accompagnés à 2 ou 3 lieues loin de la ville. Ut moris est.
Le jour de leur départ étant fraix et magnifique, le reste de la semaine, du moins à Toulouse, n'ayant cessé de pleuvoir abondamment la nuit ou le jour.
Volume 4, pp. 136-139.