Les Heures perdues de Pierre Barthès, répétiteur en Toulouse,

Janvier [1758]

Arrêt de la monoye de Lion

Du 4e de ce mois, sur le reffus que bien du monde faisoit de recevoir les sols marqués de 2 sous, et sur les contestations qui s'élevoient là-dessus, il fut rendu un arrêt de la Cour des monoyes de Lion qui fait déffenses à tous paysans, revendeurs et revenderesses de menues denrées de refuser les pièces de 24 deniers pourveu que la marque de l'emprunte se connoisse d'un côté ou d'autre à peine de billionage. Cet arrêt sagement rendu, et qui fut affiché partout, fit cesser tout refus et tout murmure.

Diminution du pain

Cette diminution, qui est sans exemple pour la manière qu'elle a été faite, mérite de tenir place dans ces mémoires pour en instruire nos descendans.
Le bruit s'étant répandu que le corps des boulangers ne vouloit pas donner des gateaux ce jour des Roys, selon la coutume, le lundy 9e de ce mois 3 jours après la feste, où malgré tout, la plupart en donnèrent, un huissier du Parlement, précédé du trompette de la ville à cheval et d'une escouade de soldats du guet, publia par arrêt de la Cour dans toutes les places et carrefours de cette ville la diminution du pain qui fut fixée à 8 sous et 8 deniers la marque, qui cy devant étoit à 9 sous et 8 deniers, et a resté à ce prix un an et onze mois, scavoir depuis le 18e février 1756 jusqu'à ce jour.
Ce coup impréveu, qui a été un coup de foudre pour les boulangers, n'a pas laissé que d'être exécuté avec toute la rigueur possible nonobstant toutes les sollicitations de ce corps dont plusieurs ont quitté par caprice, ou pour pouvoir se passer de tenir davantage.

Pendaison

Le 14e de ce mois, à 5 heures du soir, fut pendu à la place St. Georges un homme ancien, maître boulanger de Castres, âgé de 70 ans, tout blanc de ses cheveux quoique fort robuste, convaincu d'avoir volé du bléd à un curé dud[it] lieu, et saisi dans le grenier avec le sac qu'il emplissait. Son cadavre fut donné aux chirurgiens qui en firent leurs leçons anatomiques pendant plusieurs jours à cause du grand froid qu'il faisoit dans ce tems là.

Deux frères rompus

Le 28e de ce mois, à 4 heures de l'après midy, furent rompus à la place St. Georges, après avoir été étranglés, Jacques et Laurens Barriere, frères tailleurs de leur métier, natifs du lieu de Garganville près de Bourret sur la Garonne, convaincus d'avoir poignardé un consul collecteur dud[it] lieu, pour la déffense de l'honneur de leur sœur qu'on dit les avoir incités à la venger. Un troisième frère qu'ils avoient, boulanger de son métier, a été condamné à un banissement de 10 ans, n'ayant pas trempé dans le meurtre, et la sœur s'étant évadée n'a pas été punie.
Les effets d'un amour impudique ont causé l'infamie et la destruction entière de cette famille.

Volume 4, pp. 120-122.