Les Heures perdues de Pierre Barthès, répétiteur en Toulouse,

ou les choses dignes d'être transmises à la postérité arrivées en cette ville ou près d'icy

Avril [1757]

Vieillard extraordinaire et purgation sans exemple

Par le Courrier du 19e de ce mois, à l'article de Paris, on a sceu qu'un homme nommé Gérard Pouy étoit mort le 24e du mois dernier à Monserié, village du diocèse de Comminge, âgé d'environ 117 ans. Ce viellard, qui n'avoit jamais été saigné dans sa vie, n'a été purgé qu'une seule fois, et ce fut avec de l'arsenic. Etant encore jeune, il se trouva indisposé et apelle le chirurgien du village qui, jugeant qu'il avoit bezoin de vomir et ne voyant pas encore le moment favorable pour le purger, luy dit que dans deux ou troix jours il faloit qu'il prit quelques grains d'arsenic, ne connoissant pas sans doute aucune autre sorte de vomitif. Le malade qui vouloit guérir vite, croyant que s'il en prenoit une plus grosse dose il seroit plutôt rétabli, envoya chercher pour 5 sols d'arsenic et l'avala tout de suite. L'effet en fut très prompt, et si le seigneur du lieu n'avoit été prompt luy-même luy faire avaler de l'huile au moment qu'il en fut instruit de cet accident, cet homme ne seroit pas parvenu à une si longue viellesse.
A quelque chose malheur est bon.

Bénédiction des drapeaux du régiment de Traisnel à présent Brancas

Le lundy 25e de ce mois, à 10 hommes du matin, les grenadiers du régiment de Brancas, cy devant Traisnel, précédés des tambours de toutes les compagnies, étant allés chercher les drapeaux vieux et les nouveaux chés le lieutenant colonel logé à la place Stes. Carbes, revinrent dans le même ordre à la place d'armes au quartier St. Ciprien, où la troupe, au nombre de 800 hommes sous les armes, se rendit avec eux dans l'église de St. Nicolas, tambour batant. Là, les soldats s'étant rangés dans le nef et ayant laissé un grand quarré au milieu, la messe commença solemnellement, célébrée par Mr. le curé de St. Nicolas, après laquelle tous les officiers rangés dans le sanctuaire, l'épée nue à la main, les drapeaux neufs portés par des sergens furent dévelopés, et, ayant été couchés sur la table de l'autel, l'officiant les bénit selon le rit du pontifical, les encensa et les aspergea d'eau bénite, ce qui étant fait, le célébrant assis embrassa les officiers qui les avoient présentés et mit les drapeaux dans leurs mains en disant Accipe vexillum &.. Les vieux drapeaux ayant été offerts à Dieu pour rester dans l'église comme un monument perpétuel de cette cérémonie telle qu'on n'en avoit jamais veu dans cette ville et que peut-être on ne verra de longtems. Après quoy, on entonna l'exandiat en faux-bourdon, lequel fini, la troupe dans le même ordre accompagna les drapeaux déployés chés le lieutenant colonel où ils ont resté déposés jusqu'au départ du régiment.
Accipe posteritas quod pertua saecula narres.

Inscription pour estre affichée au dessous des drapeaux

Regi soculorum supremo numini
Domino Deo sabuoth
Recentioribus dispartita vexillis benedictione per Dm Stephanum Haward de Lamazoire hujus ecclesia rectorem vetera hoe insignia bellica de minoried insulo ac ipsius portus mahonis expedition fortiter av feliciter reportala legio Brancas alias Traisnel in Rei memoriam sempiternam vovit ac consecravit vicesima quinta aprilis 1757 – Barthès fecit.

Départ des troupes

Le 28e de ce mois à 8 heures du matin, le régiment de Brancas, autrefois Traisnel, partit de cette ville en bonne ordonnance pour aller à Nantes dans la Bretagne. Il a resté dans cette ville 7 mois, 27 jours, c'est-à-dire depuis le 23e août de l'année dernière, jour de son arrivée. Cette troupe a été tranquille, étant bien disciplinée par des officiers braves et de bon exemple.

Volume 4, pp. 104-106.

Mars < Avril 1757 > May

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