Les Heures perdues de Pierre Barthès, répétiteur en Toulouse,

Août [1756]

Arrivée des troupes

Le 23e de ce mois, à midy, le régiment de Traisnel arriva en cette ville, venant du siège de Minorque, Port-Mahon et fort St. Philippe, la ville a resté sans troupes depuis le départ du régiment de la Sarre, 5 mois, 21 jours.
Contre les Anglois, vers sur la prise du fort St. Philippe.
Discite justitiam moniti et non temnere divos. Virg.
Paraphrase du vers, Vois tomber, albion, tes remparts orgueilleux
Apprends à respecter, et les Rois, et les Dieux.

Lit de Justice

Par les nouvelles publiques, nous avons appris que le 21e de ce mois, le Roy, notre souverain, a voulu tenir son lict de justice à Versailles dans la grande salle des gardes du corps, dans laquelle la séance étoit disposée en la même forme qu'elle eut été dans la grand chambre du Parlement, et cella au sujet de l'enregistrement des déclarations du nouveau vingtième, pareil à celuy qui subsiste depuis 1749 et dont le produit est affecté au payement des dettes de la dernière guerre. La seconde déclaration ordonne la continuation pendant dix ans de 2 sous pour livre du dixième à commencer au 1er jan[vi]er 1757, et la troisième déclaration, le Roy proroge pour un certain tems plusieurs droits qui se perçoivent dans la ville de Paris.
Le Roy ordonna que non-obstant les représentations réitérées de son Parlement, ses déclarations soient exécutées dans toute leur étendue et sans délay, ce qui fut enregistré après que la lecture en eut été faite dans cette auguste séance, qui présentoit avec tant d'éclat la puissance du souverain et ce qu'il y avoit de plus grand et de plus noble dans tout le Royaume.

Pendaison

Le 26e de ce mois fut pendu à la place St. George un jeune homme de 17 à 18 ans, garçon tailleur du côté de Limoux travaillant chés un maître attenant l'église des Dames de Ste. Claire, convaincu d'avoir volé à son bourgeois quelque habit, culote et étoffe apparten[an]t à diverses pratiques.
Ce jeune perdit le sens à la lecture de l'arrêt, et on eut toutes les peines du monde à le transporter au lieu du supplice, criant, se débatant sur le chariot avec des contorsions extraordinaires, des pamoisons fréquentes qui l'accompagnèrent jusques au dernier soupir. Il fut universellement regreté, tant par rapport à sa jeunesse que parce que s'étant laissé séduire par le mauvais conseil d'un décroteur, il commit ce vol sans connoissance et sans réflexion.
Le mauvais conseiller ayant été condamné à être fustigé derrière le chariot fut renvoyé au lendemain ce qui fut exécuté, marqué après, et condamné aux galères pour 6 ans.

Exécution militaire

Le même jour, 26, près la porte de Muret, on cassa la tête à un jeune homme de 27 à 28 ans de très mauvaise figure natif du côté du Buget, déserteur du régiment de Traisnel en quartier à Toulouse, pardonné une fois pour pareil crime et puni cette fois cy pour la récidive.

Volume 4, pp. 82-84.