Les Heures perdues de Pierre Barthès, répétiteur en Toulouse,

ou les choses dignes d'être transmises à la postérité arrivées en cette ville ou près d'icy

Octobre [1757]

Pendaison

Le mercredy 5e de ce mois, à minuit entrant au jeudy, fut pendu à la place St. George un homme accusé et convaincu de plusieurs vols, ayant été descendu prêt à être jetté, il déclara beaucoup de personnes de la ville, qu'on fut prendre sur le champ et mener en prison. Une femme entre autres fut prise à cette même heure et conduit à St. George où elle luy fut confrontée au pied de la potence. Il la chargea de luy avoir recelé plusieurs choses volées de partie même desquelles il luy soutint n'avoir pas été payé et que sans les conseils qu'elle luy donnoit il ne se seroit pas trouvé où il se trouvoit à cette heure. On la retint malgré ses désaveux et elle fut conduite la même nuit aux prisons du sénéschal.

Pendaison

Le lendemain jeudy 6e dud[it], on pendit au fonds du fauxbourg Ste. Catherine, près la Croix de Desegaulx, un autre homme convaincu de vol et autres excès. Il auroit été exécuté devant l'église de St. Michel où la potence resta plantée toute la journée. Mais aux représentations des prêtres de lad[ite] église, on prit territoire au lieu susd[it] et il y fut pendu sur le soir.

Passage des troupes

Sur la nouvelle de l'apparition de la flotte formidable des Anglois, composée de 115 voiles, en vaisseaux de toute espèce sur les côtes du pays d'Aunès devant Rochefort et la Rochelle, plusieurs régiments qui étoient du côté de Montpellier et dans le Languedoc eurent ordre de se rendre dans ce pays cy et venir s'embarquer sur la Garonne à l'embouchure du canal. Pour cet effet, le régiment de Cambis passa le 5e dans cette ville, le 7e passa le régim[en]t royal marine, le 9e le régiment des grenadiers royaux et comme on n'étoit pas prévenu de l'arrivée de ces gens là, messrs les capitouls ordonnèrent aux boulangers de faire du pain pour les soldats, aux bouchers de donner de la viande, et aux hôtes et traiteurs de la faire cuire. On chargea plusieurs charretes de toutes ces viandes, on les porta au canal pour la subsistance de ces troupes dont une partie eut ordre de s'arrêter et de prendre la route de Montauban, sur la nouvelle de la retraite des Anglois sur la mer, et de quelques assemblées des protestans dans cette ville où les grenadiers royaux eurent ordre de prendre quartier.
Toute l'expédition de cette flote qui a coûté aux Anglois des sommes immenses et qui devoit innonder nos côtes de leurs soldats s'est bornée à la petite isle d'Aix qu'ils ont piellée et enlevé 100 ou 150 invalides qui la gardaient. Ainsy, Quid dignum tanto hiatu ?
Parturient montes nascetur mus. Horace.

Couches de madame la Dauphine

Le 9e de ce mois, jour de dimanche, fête du glorieux St. Denis apôtre de la France et patron de ce royaume, à 7 heures du soir, madame la Dauphine mit très heureusement au monde un prince à qui le Roy a donné tout de suite le nom de comte d'Artois. On a fait à Paris et à Versailles de grandes réjouissances pour cette heureuse naissance qui affermit le throne des François et décore les fleurs de lys d'un nouveau trophée en assurant de plus en plus la couronne sur la teste des Bourbons.
De fructu ventris tui ponam super feotem tuam. Psal. 131.

Volume 4, pp. 111-114.

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