Les Heures perdues de Pierre Barthès, répétiteur en Toulouse,

ou les choses dignes d'être transmises à la postérité arrivées en cette ville ou près d'icy

Juillet [1755]

Pendaison

Le 14e de ce mois, à 5 heures et demy de l'après midy, fut pendu et étranglé à la place St. George, théâtre public pour les scènes de cette espèce, un jeune homme de l'âge de 22 ans, apellé Jean-Pierre Sol dit Segonzac, d'un lieu auprès de Figeac en Quercy, convaincu de vol domestique, viol de prisons et autres vols. Ce jeune homme, qui eut pour confesseur le Père Sérane jésuite, parut fort résigné et extrêmement touché de l'énormité de ses crimes. Il fut exposé le même jour aux fourches publiques vulgairement dittes la Salado...

Homme rompu vif

Le 20e de ce mois, à 6 heures du soir, fut rompu vif, près la Croix de Désegaux au fonds du faubourg de Ste. Catherine hors [illisible] un jeune paisan apellé Paul Marti, âgé de 25 à 26 ans, fort robuste, d'un lieu après de Castelnaudarry, convaincu d'avoir tué le fils de son maître à l'instigation de son propre père qui étoit un vieillard de 80 ans prés, qui fut mené en prison et banni pour 5 ans, et de la maratre qui, bonheur pour elle, prit le parti de la fuite. Ce jeune homme reçeut huit coups vif sans proférer une parolle et resta 2 heures sur la roue avant d'expirer sans se plaindre.

Exécution militaire sévère

Le mercredy 23e de ce mois, à dix heures du matin, la garde montant, on fustigea des verges un soldat du régiment de la Sarre en garnison à Toulouse, marié du côté de Montauban, addoné au vol avant de s'engager, et continuant ce métier parmi ses camarades auxquels il enlevoit tout ce qui tomboit sous sa maison. Il fut condamné par le conseil de guerre à passer par les verges pendant troix jours. Mais après la première exécution qui fut cruelle, les dames de la ville ayant sollicité pour luy, obtinrent avec peine la suppression d'un jour et il fut remis en prison jusques à nouvel ordre, de sorte que huit jours après on l'exécuta de nouveau et on le renvoya misérablement sans aucun secours, avec un conged comme incapable de service. Mais n'ayant pas survivre à tan de douleurs, écorché comme il étoit, on le trouva mort le surlendemain dans les bruyères de Lalande, couché sur un mauvais sac.

Nota

Je passe sous silence le détail du baptême de l'enfant de Mr. Jean-Henry Guillemete, avocat imprimeur et marchand libraire de cette ville, comme trop ridicule dans les projets, trop risibles dans l'exécution, trop coûteux pour les pauvres pénitens gris, et trop honnoré des soins et de la pompe de messrs les pénitens bleus leurs affiliés à qui l'humeur et le caractère du père ont été, sans doute, inconnus pour être dignes de tant d'emphase et d'une pareille cérémonie. Quiconque voudra s'en instruire en trouvera sans difficulté la relation dans sa boutique, comme époque digne d'être transmises à nos neveux.
Nihil nimis.

Volume 4, pp. 48-50.

Juin < Juillet 1755 > Août

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