ou les choses dignes d'être transmises à la postérité arrivées en cette ville ou près d'icy
Dans la Gazette du 2e de ce mois à l'article de Berlin nous appris qu'à Teschen dans la Haute Silésie, le nommé André Smichd y est mort dans la 124e année de son âge, en 1652 il se maria et après 50 ans de mariage son épouse étant morte, il prit une seconde femme dont il a eu quatre enfans. Sa vieillesse n'a été accompagnée d'aucune infirmité.
Opération naturelle et surprenante
A Londres, en Angleterre, cecy est de la même Gazette, un homme ayant été suffoqué par des exhalaisons de charbon de terre qu'on avoit allumé dans une mine, on le crut mort : il avoit les yeux fixes et la bouche ouverte, tout son corps étoit froid, et l'on ne sentoit aucun mouvement au cœur ; ny aux artères. Un chirurgien nommé Guillaume Taffak imagina qu'il pourroit le rappeller à la vie par un moyen qui paroit extraordinaire. Il appliqua exactement sa bouche sur celle de cet homme dont il serra en même tems les narrines, et en soufflant fortement il fit enfler la poitrine. Ayant continué de souffler, il sentit six, ou sept battemens de cœur très vifs, la poitrine reprit son élasticité et bientôt le pouls se rendit sensible. Le sieur Tassak ouvrit aussitôt la veine au prétendu mort, le sang sortit dabord par goutes, et un quart d'heure après, il coula librement. Alors le chirurgien fit secouer et frotter le malade et une après celluy cy reprit connoissance, et s'en retourna chés luy.
Si ce rapport est dans toute la vérité qu'on l'insinue, ce chirurgien est digne des louanges les plus justes ; et son opération qui tient du miracle mérite d'être sceüe de tout le monde.
Âge surprenant
La Gazette du 14e de ce mois d'avril, à l'article de Londres du 5e dud[it] nous a fait scavoir la mort du plus vieux de tous les hommes. Elle dit que toutes les lettres du comté de Varcester confirment que le sieur Samuel Lïlley, doyen d'une église de ce comté, est mort depuis peu dans la 130ème année de son âge, elles ajoutent qu'il a laissé une postérité de 133 personnes, tant fils que petits-fils, et arrière-petits-fils.
Cet âge est extrêmement long, et tel qu'on n'en peut rappeller un semblable de mémoire d'homme. Une vie plus courte n'est pas moins heureuse selon le dire de l'orateur : Tempus oelatis breve, satis longum, abdene vivendum. Cicero.
Pendaison et poignet coupé
Le 16e de ce mois lendemain des Rameaux, à la place de St. George, on coupa le poignet et on pendit ensuite un homme du lieu apellé Agagsac, près Labastide de Paumes, diocèse de Lombés, sénéchaussée de Toulouse, convaincu d'avoir tué avec une hache quatre de ses enfans dont le plus âgé n'avoit pas 7 ans et demy. Cet homme d'une taille fort grande et de l'âge de 55 ans ne peut plus tenir à la vue de l'appareil du supplice et avant l'exécution il se mit à crier d'une si grande force, que ses cris sembloient de heurlemens, il monta presque mort et fut expédié sans connoissance, par la grande quantité de sang qu'il avoit perdu par l'amputation du poignet.
Ce crime est sans exemple, par son inhumanité qui est monstreueuse.
Monument aux Pénitens gris
Le Sr. Lapeyre ainé, confrère des plus zélés, conjointement avec ses deux frères doreurs de cette ville, aussy confrères, ont mis en évidence, le 19e jour du jeudy saint, dans la chapelle de Mrs les pénitens gris, aprés un travail de plus de 4 mois ; le monument le plus superbe qu'on zit jamais veu dans cette ville : tout en linge plissé d'un goût et d'un travail exquis.
Le fonds de la chapelle au devant du maître autel formoit une entrecreusé dont la coupe pouvoit avoir douze pas de diamètre, et surmonté de quatre consoles énormes, qui en formoient le couronnement, sur la jonction desquelles étoit posé un globe surmonté d'une croix de Malthe dans sa juste proportion. Au milieu de l'entrecreuse formant le tableau maître on avoit pratiqué une perspective représentan la montagne du Calvaire, où dans un loingtain bien ménagé, on découvroit les trois croix placées dessus, et sur le fonds de l'horison, l'éclipse du Soleil, et de la Lune ; ainsy qu'une partie de la confusion de la nature à la mort du Sauveur.
Les parties latérales de l'entrecreuse avoint pour support de la frise, et de la corniche qui régnoit au dessus de l'ouvrage entier, 8 pilastres avec leurs chapiteaux de l'ordre ionique, supportés sur leurs bases, et le socle du même ordre tout en linge comme le reste, et la partie entre deux ornée de paneaux en gros volume appliqués sur un fonds noir relevant tout l'ouvrage, réhaussé de deux cadres formant les tableaux des côtés, chargés des attributs de l'entière passion, d'un travail inimitablement et d'un goût recherché.
Les côtés des faces attenant l'entrecreuse fournissoient le plus beau coup d'oeil, et le plus gracieux de l'ouvrage par la disposition des pilastres qui formoint le support du couronnement, le tout de l'ordre que dessus orné dans l'entredeux des paneaux appliqués et de plaques en argent soutenant de bougies, qui étant allumées dans l'obscurité, et jointes à l'illumination de la chapelle, donnoint un éclat au monument tel qu'il est plus aizé de l'imaginer que de le décrire.
Dans l'intérieur de l'entrecreuse, à une certaine distance de la perspective, s'élevoit sur un seul gradin un tombeau en linge et festons, reprsentant un autel izolé garni à l'entour de quantité de gros cierges formant le tout, la figure du St. Sepulchre, dans lequel on déposa le saint sacrement, selon la coutume, et au dessus duquel étoit suspendu un ange tenant en ses mains la croix et la couronne d'un goût égal au reste de l'ouvrage, le tout dans la dernière perfection.
Ce monument à d'instar du maître autel de la Dalbade qui a fait l'admiration de la ville et des étrangers qui l'ont veu, a été fort gouté de tout le monde et en particulier des scavans dans le dessein et dans l'architecture, dont les règles dans toutes les différentes parties qui composoint cet ouvrage ont été observées dans toutes leurs proportions, malgré la difficulté de l'arrangement du linge, qui ne peut pas s'assujettir comme d'autres matières, et qui cependant a été parfaitement bien mis en œuvre par le sieur Guillaume Lapeyre ainé dont le seul nom fait tout l'éloge : ouvrier unique en ce genre d'ouvrage par son goût fin, et recherché, et surtout par son admirable patience.
Volume 3, pp. 35-39.